Nous ?

Publié le par Matisse

 

J'ai écouté tous ces Je qui parlent de Nous. C'était la première fois que je sentais autant le Québec, mon futur pays. J'ai été impressionné. J'ai voulu personnellement participer car un Nous ? est si inclusif que s'abstenir serait pour moi ne pas vouloir. Moi, je veux aussi ce Nous qui rassemble et emmène quelque part, pas tout à fait au-delà de la réalité mais presque : à l'orée de l'utopie.

 

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Je ne sais pas si nous sommes « quelque chose comme un grand peuple ». Je ne sais pas si les indépendantistes ont réellement raison. Je ne sais pas si ma génération fera mieux que les précédentes. Je ne sais pas si écrire n'est qu'une autre de ces vanités ; la seule chose que je sais vraiment, c'est que je ne sais rien.

 

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Avant tout, la révolution que nous, idéalistes désirons en est une totale, et pour ce faire nous ne pouvons être que de simples rebelles campés dans une farouche opposition à l'état actuel des choses. Nous ne pouvons être ces intellectuels perchés et pour qui chaque misère est source de réflexion et chaque échec, source de résignation. Nous ne pouvons être seulement des penseurs qui oublient l'action sale et véritable, ni des activistes-de-première-ligne à la fois si nécessaires et si limités. La révolution qui nous attend, plutôt que nous devons provoquer en est une spirituelle, totale et sans équivoque.

 

Mais pour que je puisse utiliser ces mots sans l'ambiguïté qui les poursuit, il me faut définir.

 

« L'avènement du socialisme sera comme une grande révélation religieuse » disait Jean Jaurès, philosophe et politicien français, dans un important article intitulé Socialisme et Liberté écrit au début du siècle dernier. Ce qu'il entend par là, et j'ai eu l'impression de capter son message avec toute la limpidité d'une intuition : si nous parvenons un jour au socialisme, le vrai, le sublime et non l'édulcoré socialisme d'état, notre monde sera réellement nouveau. Changement de paradigme et changement de comportements. Mort à l'hégémonie américaine, aux rapports de classes, à la propriété privée telle que nous la concevons aujourd'hui. Mort à l'égoïsme et à la suprématie de l'animal en nous.

 

Soit le changement que tu veux dans le monde disait Gandhi. Mais quand nous réfléchissons très sérieusement à ce proverbe il implique une responsabilité incroyable, voire inimaginable et irréalisable. Car si l'on élargit notre vision du monde plutôt limitée, on s'aperçoit que jamais le monde ne pourra changer si notre cœur ne se décrasse parallèlement. Des exemples concrets ?

 

Comment la guerre pourra-t-elle cesser si nous ne sommes pas encore en mesure de ne plus être en conflit dans nos relations à autrui et en nous-mêmes ?

 

Comment faire tomber l'hypocrisie éhontée de nos gouvernements, mais aussi de la masse silencieuse, divertie et passive, tant que nous-mêmes nous jouerons plutôt que de vivre l'honnêteté quand vient le temps de se poser les vraies questions : suis-je prêt à changer et délaisser ce qui me procure plaisir, pouvoir, satiété ? Suis-je prêt à me voir tel que je suis ? À apprivoiser cet orgueil si cher, qui me sauve autant qu'il consume une compassion débordante ?

 

Le sentiment religieux n'est pas la religion. La spiritualité n'est pas une entité salvatrice ou une forme de contemplation, pour moi c'est aussi – et peut-être la plus grande – force d'action. Nous avons le monde en soi et si nous désirons nous découvrir réellement, changer nos modes de pensées, développer un altruisme complet, délaisser les rapports de force, développer l'authenticité, la sensibilité et l'ouverture, un monde est déjà en train de changer et ce n'est pas un monde unique, c'est le monde que toute la race humaine habite qui est en train de se purifier, partiellement mais sûrement.

 

Nous ne devons pas être seulement des armes de la révolution, mais la révolution elle-même.

 

*

 

Je reviens au Moi du début, qui s'était transformé en un Nous prophétique. Moi mène plusieurs combats, Moi dessine sa vie et imagine un avenir dans le présent. Moi est autant un chercheur, un artiste, un activiste, un intellectuel, un disciple, un membre d'une famille, protagoniste d'un couple et nouveau locataire. Moi met en œuvre une carrière hors normes. Moi veut décortiquer son nom et découvrir de nouveaux chemins dans son esprit, pour les partager aux autres. Moi se nourrit de son écriture et découvre à travers ce médium la riche profondeur de l'infini. Moi apprend et ne cesse de réinventer son école, car il croit que c'est à travers un apprentissage constant et pluridisciplinaire seulement qu'il pourra réellement révolutionner comme il veut révolutionner. Moi aime les absolus mais il ne veut pas en devenir dépendant, il veut qu'ils servent. Qu'ils servent une radicale révolution, à long terme, religieuse s'il le faut mais d'abord, qui sache résoudre les cris de l'Humanité.

 

Nous sommes tous ces Je qui dérangent, et aussi tous ces Je qui se lèvent.

 

 

 

Publié dans D'Idée

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