J'enfante mon devenir d'homme
Hier soir j'ai débuté ma première performance artistique, qui est aussi un acte psychomagique tel que le dirait Alexandro Jodorowsky (auteur, cinéaste etc.), ou un renouveau ainsi que je le résume simplement.
Depuis quelques jours l'idée de me raser la barbe me taraudait. Ce fut au travail, finalement, que j'ai synthétisé ma pensée : acte de dépersonnalisation physique (afin de suivre le psychologique), oser la « subversion » sur moi-même, égaliser ce petit bout de barbe jamais rasé depuis mes treize ans...
Hier soir, finalement, l'idée s'est concrétisée. C. m'a donné l'impulsion définitive :
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Pourquoi ne pas écrire quelque chose sur cette peau fraîchement rasée, et le garder toute la nuit?
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Ouf. C'est intéressant.
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Oui, vraiment. Es-tu game?
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Mais oui. Veux-tu me donner la phrase, je suis sûr que tu peux trouver la bonne...
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(moment d'hésitation). J'enfante mon devenir d'homme
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Voilà, c'est ça!
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Et pourquoi pas porter cette phrase aussi à l'extérieur de la maison?
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Hmm. Attends, il faut que je médite là-dessus.
Le doute s'était emparé de moi, je ne savais plus si c'était une bonne idée :
Est-ce le stress qui me fige ou alors la crainte que la phrase n'est pas tout à fait exacte?
Je réfléchis une vingtaine de minutes puis j'en conclue qu'il s'agit bel et bien d'un stress paralysant. J'ai pénétré la phrase pour en extraire l'essence :
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Devenir une femme
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Me détacher de l'emprise de ma mère
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Être créateur
Le sens est là. Je suis décidé. À l'encre indélébile, pour le temps qu'il faudra...!
Une migraine me prend. Je bois une tisane, prends une tylenol. Surtout, je me dis que c'est maintenant ou alors je serai trop brûlé pour le faire.
Je prends mon rasoir électrique et me dirige devant le miroir de la salle de bains. Réflexions. C'est le moment. Je passe le rasoir directement au centre puis continue jusqu'à hésiter devant la moustache. Non, au complet!
Retour à la chambre. Ma migraine est de plus en plus forte. Je prends des pilules anti-nausées. J'ai conscience qu'accoucher n'est pas une épreuve facile – mais ô combien gratifiante! Je me couche et C. entame la phrase sur ma joue droite. Une fois que J'enfante mon est écrit, je vomis dans la poubelle à côté. Je sais qu'il s'agit des restes de mon Moi passé. Ainsi que les poils tombés dans le lavabo, ce sont les résidus de mon ancienne personnalité qui s'expulsent de moi. Je tiens bon.
On continue. La phrase est terminée. Ma migraine est à son plus fort.
C'est le temps de dormir.
Un sommeil nouveau.
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Cette performance s'échelonnera dans la durée et dans divers espaces : musée d'art contemporain pour une conférence, à l'université, dans deux restaurants etc...je ne sais exactement combien de jours encore!
Nous pouvons également identifier cette performance comme l'inauguration de mon « être potentiel ».